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CCI Paris Ile de France

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Publié le 3 juillet 2019

Former des professionnels du luxe japonais au français des affaires

Bénédicte RametEntretient avec Bénédicte Ramet, Lauréate 2019 du Diplôme de Didactique du Français sur Objectif Spécifique (DDIFOS).

Cela fait plus de 18 ans que Bénédicte Ramet travaille dans le monde du français langue étrangère (FLE). Elle a travaillé pour l’Institut français du Japon à Tokyo et enseignait le français pour des marques tels que Louboutin et Balenciaga. Elle est maintenant responsable d’équipe à l’Alliance française de Paris. Elle a accepté de répondre à nos questions pour présenter son projet pédagogique : « Se présenter, présenter son entreprise, être autonome en déplacement en France »

Pouvez-vous nous présenter votre projet ?

Le contexte au Japon est un peu particulier puisque les Japonais parlent très peu français ou anglais. Ils n’ont pas l’habitude de certaines structures de phrases et donc le français général ne fonctionnait pas du tout. Nous avions besoin d’adapter le programme à leur problématique professionnel.

Il fallait que les représentants japonais de la marque Louboutin, pour laquelle je travaillais, puissent comprendre les échanges avec les équipes françaises au Japon.

Nous avons donc mis en place des moyens afin qu’ils puissent utiliser et comprendre le français dans ce cadre professionnel. L’objectif était d’aller droit au but dans la mobilisation des outils linguistiques, ils avaient besoin d’un contexte spécifique.

L’objectif était que les chefs et les responsables de service d’entreprises dans le domaine du luxe soient capables de communiquer en français pendant des déplacements à l’étranger.  C’est-à-dire pouvoir prendre un taxi, commander un café ou acheter des produits français. Mais surtout,  il était nécessaire qu’ils soient capables de se présenter, de présenter leur poste au sein de l’entreprise et de pouvoir faire une présentation de leur entreprise à des partenaires professionnels. 

Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

Dans un premier temps, ce projet était spécifique pour l’entreprise Louboutin. Je devais travailler avec des associés de la marque, on a étudié ensemble de nombreuses heures mais l’apprentissage était compliqué.

Je me suis rendue compte en tant que professeur de FLE qu’il fallait mobiliser d’autres outils linguistiques de leur environnement professionnel. Il était important de procéder de manière à ce que la langue s’adapte au contexte professionnel et non adapter le contexte à la langue.

J’ai donc pensé que cet outil linguistique pourrait être un avantage dans l’apprentissage, non seulement pour eux mais aussi pour de nombreux autres professionnels qui évoluent dans ce domaine. Le fait que mon sujet se situe dans un pays asiatique était également une des raisons, car il y a beaucoup de potentiel.

Les pays asiatiques sont des pays avec une culture considérablement différente, donc nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Je suis persuadée que l’on n’a pas obligatoirement besoin de l’anglais pour arriver à nos objectifs.

Quels ont été les principaux défis dans la mise en place du projet ?

ReunionL’un des principaux challenges a été de faire comprendre aux autres coordinateurs qu’il fallait enseigner autrement. C’est-à-dire sortir du carton du CECR (bible du FLE) et du FLE général et utiliser d’autres outils pédagogiques.

Ensuite, il a fallu créer un véritable programme pédagogique adapté et le mettre en place. Au départ les élèves étaient déroutés car ils étaient habitués aux méthodes classiques où on leur apprenait les conjugaisons, le passé composé, l’imparfait etc… et là on ne l’annonçait pas tel quel. Mais ils ont vraiment apprécié, ils étaient très motivés car la méthode fonctionne.

Comment êtes-vous arrivé à l’apprentissage du français professionnel ?

Tout au long de mon parcours, je me suis aperçue qu’il y avait deux catégories d’apprenants : ceux qui apprenaient pour le loisir d’apprendre la langue et ceux avec un objectif professionnel. La première catégorie peut apprendre à un rythme lent sans avoir un objectif précis. En revanche, ceux dont l’apprentissage requiert d’un besoin professionnel avec de l’argent investi, ont un objectif précis qu’ils se doivent d’atteindre. Ils ont besoin d’étapes avec des objectifs à chaque palier. J’ai donc voulu partir sur un enseignement plus qualitatif que quantitatif.

Le DDIFOS a été pour moi, une continuation légitime de mon travail effectué durant toutes ces années. Je trouvais la démarche et les méthodes du FOS très intéressante. Le fait d’avoir un objectif spécifique fait que l’on va tout faire pour l’atteindre.

Comment s’illustre le français professionnel au Japon ?

Le contexte est tel que le français sera de plus en plus important au Japon. Le français est très présent puisque de nombreuses entreprises japonaises sont installés dans les pays francophones et inversement. Par exemple de nombreuses concessions Nissan sont en France, il y a beaucoup de maisons de luxe françaises installées au Japon et même la banque du Crédit agricole investie dans le pays pour développer sur des comptes professionnels.

Cette mondialisation et la différence de culture fait que les Japonais ont besoin de connaitre le français professionnel dans sa globalité. Ils ont besoin de connaitre les coutumes, de comment se passe la vie en entreprise, les réunions etc…

Dans les cours de français sur objectif spécifique, on essaie souvent d’intervenir sur des sujets sociaux culturel comme outils linguistiques. Des outils dont ils pourront se servir quotidiennement au travail.

 

~ Propos recueillis par Noëmie Bénéteau