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CCI Paris Ile de France

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Publié le 30 avril 2019

Former au français de la santé les infirmiers ghanéens

Former au français de la santé les infirmiers ghanéensEntretien avec ​Sewoenam Chachu, lauréate 2019 du Diplôme de Didactique du Français sur Objectifs Spécifiques (DDIFOS)

Maitre de conférences à l’Université du Ghana, Sewoenam Chachu est la première diplômée ghanéenne du DDIFOS. Elle enseigne le français des affaires, le français de la diplomatie et, depuis peu, forme les enseignants à la méthodologie de français sur objectif spécifique (FOS). Elle partage avec nous son expérience de formation à distance et nous présente son projet pédagogique « Former au français des infirmiers du CHU de Korle-Bu à Accra ».

Quel était votre cheminement vers le français professionnel ?

On peut dire que j’ai déjà une certaine expérience dans le domaine car je travaille à ce type de formations depuis 2010. J’ai suivi une licence en français et psychologie à l’Université du Ghana puis un master en didactique de FLE à l’Université de Franche-Comté à Besançon. C’est en rentrant au Ghana et en travaillant pour l’école des affaires de l’université que je me suis rendue compte de l’intérêt des étudiants et de la nécessité de cours  répondant à des besoins bien spécifiques. Le département de français de notre université nous pousse également à adapter le plus possible nos enseignements aux objectifs professionnels des étudiants. Ainsi, j’enseigne le français des relations internationales aux étudiants de l’école internationale des affaires et de la diplomatie ; je dois avouer que ces cours ont beaucoup de succès !

Votre projet porte sur une formation en français médical à destination des infirmiers. Pourquoi ce choix ?

Je ne suis pas spécialiste du milieu médical et, à vrai dire, c’était mon premier contact avec les attentes linguistiques de ce secteur. Pour les besoins du département de français de mon université, je menais une recherche sur la communication entre les patients et les infirmiers francophones. Ce sont ces derniers qui m’ont fait part de leur besoin de formation en français.

En effet, au Ghana lorsqu’on choisit un parcours scientifique, les langues ne font plus partie des disciplines proposées et c’est fort dommage. Le Ghana est entouré de pays francophones, le contact avec la langue française y est permanent.

Mon projet est de proposer une formation en français de la santé aux infirmiers qui reçoivent les patients francophones au CHU de Korle-Bu. Le CHU de Korle-Bu est un centre hospitalier de référence qui offre des soins spécialisés difficiles à trouver dans la région. Des étudiants, fonctionnaires, militaires, touristes francophones du Ghana ainsi que des patients du Togo, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, etc. s’y rendent régulièrement.

Cependant, la formation des infirmiers au Ghana ne prévoit pas de formation en français de spécialité, qui leur permettrait de pouvoir communiquer avec les patients francophones auxquels ils ont affaire. Un seul département sur 17 au CHU de Korle-Bu compte un interprète dans ses effectifs aujourd’hui ! La plupart de temps, le personnel médical dépend de la famille des patients qui sert d’interprète avec tous les risques d’incompréhension et de malentendus que cela peut engendrer.

Les dirigeants du CHU souhaitent en faire un centre de tourisme médical dans la région. Mais pour y parvenir, il faut pouvoir communiquer avec les patients pour leur offrir les meilleurs soins possibles.

Qu’est-ce qui vous a le plus marquée pendant votre travail sur le projet ?

J’ai fait beaucoup de recherches pour pouvoir formuler de façon très précise les différentes tâches professionnelles accomplies par les infirmiers ghanéens au quotidien. J’en discutais avec ma tutrice Amandine Diogo et me suis rendue compte de certaines différences culturelles, ou plutôt différences de perception du métier de l’infirmier au Ghana et en France. Le rôle, le positionnement et donc les missions qui en découlent peuvent varier assez considérablement. La palette de l’intervention des infirmiers au Ghana  est assez large : cela va de l’accueil du patient au premier diagnostic et même à certains soins parfois. On peut l’expliquer par la grande pénurie de médecins et ce, même dans les grandes villes.

Est-ce que la formation avec iFOS vous a aidée ?

Oui, indéniablement ! J’ai appris à m’appuyer beaucoup plus sur les réalités professionnelles, à transformer en matériel pédagogique tout ce qui pouvait l’être (je n’avais pas eu accès à beaucoup de documents car le milieu hospitalier est soumis à des règles strictes de confidentialité) et à construire les séquences pédagogiques en utilisant beaucoup de mises en situation.

La méthodologie du FOS est très claire pour moi, à tel point que je l’enseigne désormais !

Quels sont les projets qui vous passionnent aujourd’hui et, plus largement, quelles perspectives pour le français professionnel voyez-vous au Ghana ?

A court terme, d’ici juillet, nous proposons la formation des infirmiers au français de la santé. L’objectif est de commencer avec un groupe de 20 personnes pour des niveaux A2+/B1 sur les thématiques abordées dans mon projet pédagogique DDIFOS : être capable d’accueillir des patients francophones, de communiquer avec eux au sujet de l’hygiène de vie, de mentionner des termes médicaux majeurs en français, etc.

Notre département a également été sollicité par l’école des sciences de l’université pour mettre en place une formation en français scientifique pour ses étudiants. Nous cherchons un moyen de nous organiser car les effectifs à former sont de près de 1 000 étudiants.

Au Ghana, il y a beaucoup d’autres domaines où le français associé à l’anglais et aux langues locales permet d’être plus efficace et compétitif. Je pense au domaine du pétrole et du gaz, aux militaires qui interviennent notamment au Mali, aux douaniers… Tous ces publics gagneraient à être formés.

Maintenant que j’ai acquis la méthodologie, j’entends l’appliquer plus largement et la mettre au service de différents publics.

Un dernier mot ? Un conseil pour ceux qui se lancent dans la formation avec iFOS et à l’assaut du DDIFOS ?

Il faut beaucoup de détermination, d’organisation et de motivation pour y arriver. Personnellement, cela m’a permis de mener à terme un grand projet ; avoir cette expérience à mon actif m’inspirera à long terme.

 

~ Propos recueillis par Elena Mansurova