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Le français professionnel au cœur de la stratégie de l’Alliance Française de Guatemala

vendredi 25 juillet 2025

Entretien avec Jean-Paul Tarby, directeur de l’Alliance Française de Guatemala.

Jean-Paul Tarby nous propose son retour d’expérience sur la mise en place de partenariats, dans le cadre de développement d’offres de formation en français professionnel.

Quel est le contexte institutionnel et éducatif de l’Alliance Française de Guatemala ?

Fondée en 1920, l’Alliance Française de Guatemala est l’une des premières créées sur le continent américain et la plus ancienne d’Amérique centrale. Elle occupe aujourd’hui une place centrale dans le paysage de l’enseignement du français au Guatemala, dans un contexte national où cette langue est largement absente des politiques éducatives publiques.

En effet, le français n’est pas enseigné dans les établissements scolaires publics, ni proposé dans les cursus universitaires, et le pays ne dispose d’aucune filière de formation de professeurs de français depuis la fin des années 1970.

La politique linguistique guatémaltèque privilégie l’apprentissage de l’anglais, perçu comme un levier d’accès au marché du travail, ainsi que la préservation des langues autochtones, notamment les variantes du maya. Dans ce contexte, l’Alliance Française joue un rôle de premier plan.

En 2024, elle mobilise une équipe d’environ 30 enseignants vacataires (dont 25 en activité selon les périodes) et 15 personnels administratifs.

Elle a accueilli environ 1 300 apprenants par an, dont les ⅔ dans le cadre de cours externes. Tous les profils sont représentés : enfants dès 3 ans, adolescents, étudiants, salariés, fonctionnaires, et bénéficiaires de programmes éducatifs indirects.

L’offre pédagogique est complétée par un large éventail de certifications : DELF, DALF, TCF, test ev@lang pour les positionnements, et depuis septembre 2024, les Diplômes de français professionnel (DFP) de la CCI Paris Île-de-France, faisant de l’Alliance le seul centre agréé DFP du pays et de la région centre américaine.

Quelles offres de formation en français professionnel ont été mises en place à l’Alliance Française du Guatemala ?

Depuis deux ans, l’Alliance Française de Guatemala City s’est engagée dans une stratégie expérimentale visant à cibler une partie de son offre de formation vers la valorisation de l’apprentissage du français dans certains secteurs professionnels spécifiques.

Cette approche a permis de consolider plusieurs programmes de français à visée professionnelle ou fonctionnelle. Ces formations couvrent des domaines variés tels que :

  • la diplomatie et la coopération internationale,
  • le développement et la sécurité touristiques,
  • le maintien de la paix,
  • la mobilité professionnelle dans le secteur des hydrocarbures,
  • les métiers du téléconseil et de la téléopération.

Dans ce cadre, quels partenariats avez-vous noués et dans quels buts ?

L’Alliance Française a établi des partenariats stratégiques avec plusieurs acteurs locaux et internationaux. Parmi eux :

  • Universités locales : pour l’enseignement (ou la promotion) du français sur objectifs spécifiques (FOS) dans le secteur du tourisme et la préparation aux Diplômes de français professionnel.
  • Organismes publics : tels que l’OIF et le SCAC, commanditaires de certaines formations dans le cadre de programmes de coopération institutionnelle ou de missions multilatérales.
  • Autorités publiques, locales et territoriales  comme la Police nationale, l’Académie diplomatique et l’État-major et une municipalité.
  • Entreprises multinationales : notamment Telus Digital et Perenco.

Dans la mesure du possible, l’objectif est de formaliser ces partenariats par des accords écrits, garantissant ainsi l’intégration du français professionnel dans les plans de développement des organisations partenaires.

Cette officialisation permet de sécuriser les engagements mutuels et de faire reconnaitre, par les organisations mêmes, la formation en français professionnel comme un levier stratégique.

Elle s’inscrit dans une logique d’amélioration continue, avec une vision à moyen terme visant des résultats concrets en matière d’acquisition de compétences et de performance professionnelle.

Concrètement, comment avez-vous procédé ?

La conception et la mise en place d’une offre de formation à l’attention des acteurs professionnels a suivi une démarche en plusieurs étapes :

  • Veille d’opportunités dans le marché local – contexte institutionnel et économique : identification des secteurs d’activité où le français pouvait répondre à des besoins concrets en communication ou en production.
  • Prospection ciblée : approche des acteurs identifiés, construction d’une relation de confiance, puis proposition d’une ingénierie pédagogique adaptée.
  • Modélisation économique : élaboration d’un modèle viable pour chaque formation.
  • Formalisation : signature de conventions entre l’Alliance Française et les entités commanditaires.

Dans certains cas, les formations en français sur objectifs spécifiques ou fonctionnels ont été directement commandées par les partenaires, sans phase de prospection préalable.

Quels résultats avez-vous obtenus ? Et quels apprentissages en tirez-vous ?

A mon sens, le principal objectif à atteindre consiste à garantir la durabilité du dispositif de formation en français professionnel. Cela passe par :

  • l’assiduité des apprenants,
  • l’engagement fort des entreprises et institutions partenaires afin que la formation linguistique ne soit pas sacrifiée au gré des aléas de la conjoncture politique ou économique.

L’un des enseignements majeurs est que la réussite dépend fortement de l’alignement entre les objectifs de formation et les besoins concrets des partenaires.

Avez-vous d’autres projets de partenariats ? Lesquels et pourquoi ?

Oui, nous souhaitons proposer du français sur objectifs fonctionnels dans plusieurs domaines, actuellement en phase de prospection ou d’expérimentation :

  • la mode,
  • le travail social et la médiation migratoire,
  • la mobilité des travailleurs vers les zones francophones du Canada,
  • le secteur aéroportuaire.
  • Le secteur bancaire et l’ingénierie financière

Pourquoi ces choix ?

Parce que le français professionnel représente à la fois un objectif naturel et un défi stratégique dans le cadre du plan d’action pluriannuel de l’Alliance.

Il s’agit de renouveler l’offre linguistique pour répondre aux enjeux contemporains de mobilité, d’employabilité et de coopération internationale.

Découvrez l'interview de Jean-Paul Tarby en vidéo