Les Haut-Parleurs, À voix égales, « Métiers du bâtiment : les filles poussent les murs » ©FablabChannel – Claire Leproust
[Sandra, journaliste :] Au Canada, comme dans la plupart des pays du monde, le domaine de la construction a toujours été un milieu d’hommes. Malgré que c’est encore le cas, les mentalités changent. En 2017, le nombre d’employées de sexe féminin a pratiquement doublé sur les chantiers. C’est dû, entre autres, à des initiatives du gouvernement et des entrepreneurs. Alors, j’ai décidé de mettre mes lunettes de la construction pour aller comprendre pourquoi. Les femmes sur les chantiers, c’est par exemple Roxane, 33 ans, spécialiste de l’isolation thermique. Ça m’a épatée comme elle adore son métier.
[Roxane, employée dans le bâtiment :]Ben, moi, je pense que la mentalité a beaucoup changé. Moi, j’ai jamais fait face à des commentaires négatifs ou des préjugés. Moi, j’adore la construction. Qu’est-ce que j’aime ? C’est de changer souvent de place. C’est pas routinier : on est tout le temps en action. Parce que moi, être restée dans un bureau, je serais pas capable. Et puis, grâce à ça, j’ai perdu mon poids après ma grossesse !
[Sandra :] Son employeur est un de ceux qui font changer les choses. Au Québec, il y a moins de 2 % de femmes parmi les employés de la construction. Mais dans son entreprise, elles sont plus de 10 %. L’an dernier, il a gagné un prix pour la mixité, remis par l’Association de la Construction du Québec.
[Rémi Demers, président Isolation Val-Mers Ltée :] Je suis bien content de ça, et puis je pense que c’est une fierté pour nous. Je crois beaucoup que les femmes, elles font autant que les gars sur un chantier. Et j’ai toujours cru à ça, même avant que ce soit à la mode. J’ai engagé dans les premières femmes, une en 2000, 2001, qui a fait plus de dix ans chez nous. Faque[1], j’y croyais déjà.
[Sandra :] Pourquoi c’est important pour vous d’engager des femmes ?
[Rémi Demers :] Ben, les femmes, elles ont la discipline. Comparé à la moyenne des gars, c’est rare qu’une femme arrive pas le matin. Les femmes sont disciplinées et ont une finition et de la minutie quand elles travaillent. Moi, je garde les meilleures chez nous. Je garderais pas une femme parce que c’est une femme. Je garderais pas un gars. Non, ça prend du monde qui performe.
[Sandra :] Magali, t’es française.
[Magali Boutin, calorifugeuse :] Oui, je suis française !
[Sandra, journaliste :] Est-ce que les Québécoises sont choyées dans le domaine de la construction, comparativement en France ?
[Magali Boutin :] Oui, moi je trouve que les Québécoises ici sont, les femmes ici dans la construction, on est beaucoup plus choyées parce que y a beaucoup plus d’ouverture d’esprit.
[Sandra :] Et en me renseignant, j’ai réalisé que le Québec fait des actions concrètes pour les femmes qui portent le casque. On a tout un « Plan de mixité » qui s’étale sur plusieurs années, avec des formalités facilitées pour les filles, des places réservées dans les formations, et même des incitations économiques pour les employeurs. Il y a même une ligne téléphonique gratuite pour les femmes qui seraient victimes d’harcèlement.
[Rémi Demers :] L’avantage que j’ai d’avoir des femmes avec moi, ça change l’ambiance un peu de… je dirais sur les chantiers. Les femmes, tu penses, elles mettent leurs limites, et puis elles sont capables aussi d’avoir le sens de l’humour. Des fois, t’as des gars là, la compétition, les gars, les « coqs », tu vois pas ça avec les femmes. Les « femmes-coqs », y en a pas beaucoup.
[Sandra :] Wow ! Ça donne le goût de postuler pour un poste en construction !