RFI – Si loin, si proche du 6 octobre 2012, « Au pays des géants », extrait 10’09 > 12’39
Laurent Dubuisson : Je dis toujours que les gens, c’est vraiment quelque chose qui frappe heu, toutes les civilisations, vous avez heu, que ce soit en civilisation gréco-romaine ou même en Chine, dans tous les mythes on s’raconte des histoires de géants.
Donc c’est vraiment quelque chose qui a l’air de fasciner, ces personnages de grandes tailles, ça fascine les gens, mais les géants tels qu’on les connait, grands mannequins d’osier qui défilent dans les rues, c’est la fin du Moyen–Âge.
Toute fin du XIVe, début XVe siècle, ce sont dans les processions religieuses qu’apparaissent des géants. C’est la volonté un peu à l’époque, face à une population qui est illettrée, de faire un espèce de catéchisme heu, grandeur nature. Et donc autant dans les églises par exemple, c’est l’importance des sculptures, des tableaux qui permettent de raconter des histoires religieuses, et bien, dans ces processions, on va jouer des espèces de petites scénettes de théâtre, qui racontent des histoires, que ce soit l’annonciation, la crucifixion etc.
Et dans certaines histoires, je pense notamment à celle qui a, qui connait le plus de succès à la fin du Moyen-Âge, qui est l’histoire de David et Goliath, c’est une histoire de la bible, Goliath c’est un géant philistin. Et on sait que dès le XVe siècle, on va le représenter comme un mannequin gigantesque avec un porteur qui se cache à l’intérieur qui joue le rôle du géant, une autre personne qui joue le rôle de David.
Et puis y’en aura d’autres, y’aura un géant qui est Samson, on va aussi vouloir rentrer dans ces processions des histoires liées à la chevalerie, aux épopées médiévales, je pense notamment au cheval Bayard, qui est un cheval gigantesque du cycle de la légende de Charlemagne. Donc au départ c’est un phénomène qui est purement religieux.
Journaliste : Et alors au fil des années, on peut le voir évidemment aujourd’hui à Steenvoorde et ailleurs, ça c’est extrêmement laïcisé, c’est-à-dire que ce sont des figures qu’on célèbre maintenant qui font plus partie de l’imaginaire populaire, ce sont des figures inventées, on n’est plus du tout dans la représentation et dans les histoires bibliques.
Laurent Dubuisson : Non, c’est assez amusant c’est que en réalité, ce qui est au départ l’intention vraisemblablement des ecclésiastiques, a tout de suite plu aux populations, et donc les gens se les ont complétement appropriées.
Un géant comme Goliath par exemple, à un moment, on lui a donné une épouse. Ça n’avait plus rien à voir avec la religion mais on lui a donné une épouse et puis après des enfants, et puis parfois il y a eu des familles nombreuses avec des oncles, des tantes… Parfois Goliath on l’a changé et il est devenu par exemple, le héros fondateur de la cité, c’est par exemple le cas à Douai où il y a un géant qui s’appelle Gayant et qui est devenu le géant fondateur de la cité.
Donc, je dirai que les gens se sont pris au jeu des géants et puis donc en ont retenu l’aspect plus festif et laïc.. et la révolution française a terminé de laïciser complètement ces géants qui aujourd’hui où parfois quelques traces religieuses existent encore, mais de manière globale on est dans quelque chose de festif.