RFI – Chronique Une semaine d’actualité, du 25 juillet 2017 <<Pierre-François Mouriaux: «De Gagarine à Thomas Pesquet» >> de 8’19’’ > 11’31’’
Pierre-Edouard Deldique : Pierre-François Mouriaux, donc dans votre livre, De Gagarine à Thomas Pesquet : L’entente est dans l’espace, le mot entente est important. Vous revenez sur, et vous nous rappelez que l’espace, ce fut d’abord une rivalité entre l’Union soviétique, qui, la première, a conquis l’espace et les Etats-Unis.
Pierre-François Mouriaux : Complètement. En fait, les Russes ont profité d’un avantage lié à leur position géographique, à la fin de la deuxième guerre mondiale. Les deux blocs qui se sont installés ont fait que les Russes, en fait, s’ils voulaient toucher le territoire américain, ont dû développer des missiles intercontinentaux, alors que les Américains se sont moins intéressés aux fusées longue portée puisque,
eux, ils avaient la possibilité d’approcher des missiles le long du rideau de fer. Les Russes – enfin, les Soviétiques à l’époque – quand ils se sont approchés des Etats-Unis – on se rappelle la crise de Cuba – c’était compliqué. Donc ils ont développé des fusées à longue portée. Une fois qu’on sait faire des missiles intercontinentaux, qui passent d’un continent à l’autre, transformer cette fusée en lanceur spatial, c’est pas très très compliqué. Et les Américains n’ont pas vu vraiment ça venir. Ils voulaient faire du spatial, c’était annoncé, mais ils ont pris leur temps. Finalement, ce sont les Russes qui se sont mis les premiers dans la conquête spatiale et ont eu quelques années d’avance pendant un petit moment…
Pierre-Edouard Deldique : Avec deux exemples : 1957, Spoutnik et les premiers « bip » dans l’espace… Un petit objet rond, il me semble, une sorte de ballon.
Pierre-François Mouriaux : Voilà, c’est ça. Une sphère, avec quatre antennes, et deux émetteurs à bord qui faisaient simplement « bip-bip ». Mais en termes de retentissement médiatique, c’était incroyable.
Pierre-Edouard Deldique : Et quatre ans plus tard, Gagarine, premier homme dans l’espace, 1961.
Pierre-François Mouriaux : L’accélération des débuts de la conquête spatiale est incroyable. Donc les Russes, en fait, avaient un lanceur qui était beaucoup plus puissant que ce qui permettait d’envoyer le premier Spoutnik, qui faisait le poids d’un homme, 83 kg, et puis Gagarine, c’est 1,3tonnes. Mais le lanceur était déjà prêt, puisqu’il était capable d’envoyer la bombe atomique dans sa version missile. Les Américains n’avaient pas de lanceur. Ils avaient récupéré des ingénieurs allemands, ils faisaient des petits tests, mais ils étaient très en retard, donc les Russes ont profité de cette avance, et sont montés graduellement. Mais ce qui est incroyable aussi, c’est que les Américains, vexés, ont lancé le programme lunaire, et entre 1957 et l’homme sur la lune, il n’y a que 12 ans. Cette accélération, qui est liée, vraiment, à la propagande, à la Guerre Froide, à cette course à l’espace, est assez incroyable…
Pierre-Edouard Deldique : Avec les célèbres missions Apollo, qui ont permis à l’homme de conquérir la lune, de marcher sur la Lune…
Pierre-François Mouriaux : Alors, elles ont permis à l’homme de marcher sur la lune, complètement. On n’est jamais allés au-delà avec des humains. Avec des sondes, si, mais avec des humains, pour l’instant, c’est la destination ultime. Mais c’est aussi la victoire américaine, pour le coup. Les Américains étaient très vexés, alors du Spoutnik, très inquiets, parce qu’ils se demandaient si les Russes allaient mettre des bombes depuis l’espace. Gagarine, ils étaient vexés parce qu’ils avaient dit qu’ils seraient les premiers à envoyer des hommes, en 1959, et deux ans après, les Russes les ont doublés sur le poteau. Donc ils ont lancé le programme Kennedy en 1961, quelques semaines après que Gagarine a lancé le défi lunaire, pas complètement sûrs qu’ils gagneraient. Mais que les Américains gagnent, et que les Russes abandonnent, on connaît aujourd’hui les programmes secrets soviétiques qui étaient dans la course… voilà, c’était le K.O. américain.
Pierre-Edouard Deldique : Avec la belle fusée Saturne 5, dont tous les enfants de cette génération, à laquelle j’appartiens, ont eu la maquette, dans la chambre…
Pierre-François Mouriaux : La fusée Saturne 5, qui reste l’un des lanceurs les plus puissants du monde…
Pierre-Edouard Deldique : … à ce jour.
Pierre-François Mouriaux : … à ce jour