RFI – Chronique Accents d’Europe du 21 décembre 2018, « Faire face à la baisse de la natalité » de 8’48 à 6’49
Damian Vodenitcharov : Vidin, dans le Nord-ouest bulgare, c’est l’un des principaux points de passage vers la Roumanie, de l’autre côté du Danube. La population a chuté de 80 000 en 2000 à 54 000 en 2016. C’est également la ville où il y a le moins de naissances, seulement 381 bébés sont venus au monde ici en 2017.
Les maternelles ressentent en premier l’impact de ce manque de naissances, Baska Drajktova est la directrice de la plus ancienne maternelle en ville, avec ses 30 ans d’expérience, elle vit la disparition des enfants de Vidin au quotidien.
[voix directrice en bulgare + voix groupe d’enfants]
Directrice école (doublée traductrice) : Faites attention en descendant les escaliers ! Vous savez où sont vos places, allez !
Damian Vodenitcharov : Chaque année il y a un peu moins d’enfants inscrits que l’année précédente.
Directrice école (doublée traductrice) : En ce moment, nous avons 113 enfants répartis en 4 sections. Nous avons aussi une école mixte dans un village proche, et il y a cinq enfants de moins que l’année dernière.
Damian Vodenitcharov : Le nombre d’élèves a tellement chuté que 20 maternelles ont fermé en cinq ans. Pour éviter ce sort peu enviable, les établissements qui ont survécu doivent maintenant faire preuve d’ingéniosité, explique encore Baska Drajktova :
Directrice école (doublée traductrice) : On en est arrivé à supprimer des sections au fil des années. En 2016, des maternelles ont même fusionné. À Vidin, il y en avait 14, il n’y en a plus que huit. Pour conserver les bâtiments et le matériel de ces maternelles, certaines d’entre elles ont dû devenir des filiales d’autres établissements.
Damian Vodenitcharov : Cette chute de la fécondité à Vidin est due en grande partie à l’émigration. La ville, et surtout l’oblast, la région dont elle est le chef-lieu, perd sa population. À la chute du communisme, les grandes usines locales ont fait faillite, poussant les habitants à partir. Ce processus est en cours partout en Bulgarie. D’après Elitsa Dimitrova, sociologue à l’académie des sciences, le pays ressent aujourd’hui les ondes de choc de phénomènes commencés il y a des décennies.
Elitsa Dimitrova (doublée traductrice) : Il faut remonter aux années 60 pour retrouver les premiers indices annonçant le changement du modèle familial en Bulgarie, mais c’est dans les années 90 que ces changements se font bien plus profonds. Avec la crise économique, l’effondrement du système social et le nouveau système politique, le modèle de l’enfant unique s’est imposé.
[Voix féminine en bulgare]
Damian Vodenitcharov : Et avoir plus d’un enfant demande du temps et de l’argent. Les sociologues estiment que les parents préfèrent aujourd’hui tout investir dans l’enfant unique, plutôt que de faire des compromis pour un deuxième enfant. C’est le cas de Tania qui a un fils et ne veut pas d’autres enfants.
Tania (doublée traductrice) : Il faudrait subvenir aux besoins de cet enfant, je ne suis pas sûre d’y arriver, que ce soit physiquement, psychologiquement ou émotionnellement. Un deuxième enfant, ce serait trop d’efforts, trop de stress. Mes parents sont loin, je ne peux pas compter sur leur aide.
Damian Vodenitcharov : Le dernier recensement de la population, effectué en 2011, montre bien que ce nouveau modèle familial a gagné. Plus de 60% des familles sont des familles à enfant unique. La chute des naissances, et le non-renouvellement des générations qui en découle, font souvent partie de la rhétorique en période électorale.