RFI – Chronique Carrefour de l’Europe du 20 février 2020, « L’Europe vieillit »
De 20’52 à 23’20
Journaliste : Bonjour, Sasha Mitchell !
Sasha Mitchell : Bonjour, Daniel !
Journaliste : Courrier International titrait récemment « La fin des bébés ? », et pour illustrer un dossier très complet sur la natalité qui baisse dans bien des pays en Europe, et bien c’est ce qui arrive en Espagne particulièrement, et plus précisément dans une bourgade du nord-ouest du pays, qui n’a pas connu une seule naissance en deux ans.
Sasha Mitchell : Oui, le journal El Mundo plante le décor d’entrée. A Fermoselle, il y a une aire de jeu dont le toboggan orange et les balançoires n’ont presque jamais servi, et à côté, un énorme fronton de pelote basque où les enfants pouvaient jouer à la balle, ou encore sauter à la corde, mais problème, des enfants, il n’y en a pas dans cette commune du nord-ouest du pays. Oui, le quotidien espagnol nous emmène dans la capitale de cette Espagne qui se vide, car Fermoselle détient un triste record, celui de la plus grande municipalité d’Espagne, comme vous le disiez Daniel, parmi celles qui n’ont pas connu une seule naissance ces deux dernières années. Après la guerre, 4 300 personnes y vivaient. Aujourd’hui, la population atteint à peine 1 200 habitants, dont seulement 50 mineurs. Encore un chiffre : en 1927, l’école accueillait 800 enfants ; cette année : 34. C’est le symptôme d’une Espagne où le solde naturel est négatif, c’est-à-dire où les décès surpassent les naissances. Selon Alejandro Maccarón Larumbe, directeur de la fondation « Renaissance démographique », la population espagnole sera même deux fois moindre en 2100 qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Journaliste : Alors en 2018, les femmes espagnoles ont mis au monde en moyenne 1,26 enfants. Sasha, comment cela s’explique-t-il ?
Sasha Mitchell : Et bien, le problème, ce n’est pas tant la baisse de la fécondité selon El Mundo, c’est plutôt que les hommes et les femmes en âge d’être parents sont de moins en moins nombreux, c’est mécanique, et la tendance va être difficile à inverser. Deuxième point, à en croire Alejandro Larumbe, les causes ne sont pas économiques mais sociales, il y a des pays dont l’économie se porte à merveille, et ils ont le même problème, assure-t-il. Pour preuve en Espagne, les quinze villes au plus fort taux de chômage ont le même nombre d’enfants par femme que les quinze villes au chômage le moins important. La grande différence, c’est qu’il s’est produit un changement important de valeurs, insiste le démographe, on a évolué vers une société où avoir des enfants a cessé d’être important, où fonder un foyer est devenu quelque chose de secondaire. Mais comment donc remédier à la situation, comment enrayer l’inexorable vieillissement de la population ? D’abord, Larumbe préconise le recours à l’immigration, et en parallèle estime-t-il, la prise de conscience doit être totale au sommet de l’Etat. L’objectif : pouvoir permettre aux jeunes d’avoir autant d’enfants qu’ils le souhaitent, et pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale.
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