RFI – Chronique Carrefour de l’Europe du 9 mai 2018, « L’Arctique – Un enjeu pour l’Europe» de » 3’08 à 6’49
Journaliste : Alors, pendant des dizaines d’années, Barbara Kunz, l’Arctique est resté figé du fait de la Guerre froide, d’une part, et puis d’une relative stabilité de température, ce n’est qu’avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces que la situation géostratégique, économique et, bien sûr, environnementale a évolué pour devenir mouvante. Elle a attiré, entre autres, bien des convoitises. Alors,
si on prend un point de repère : en 20 ans, l’Arctique a perdu un million-six-cent-mille kilomètres carrés de glace, c’est à peu près 3x la superficie de la France, c’est considérable. Est-ce qu’on peut dire que la géographie est en train de changer sous nos yeux ?
Barbara Kunz : Alors, oui, effectivement, la… la géographie est en train de… de changer sous… sous nos yeux, ce qui a plusieurs conséquences. Donc, il y a à la fois des revendications territoriales dans l’Arctique qui… qui sont aussi liées à cette disparition de… de la banquise qui… qui permettent notamment des… des explorations scientifiques pour déterminer les territoires des différents pays, d’une autre manière que lorsque… lorsque tout était couvert de glace. La deuxième dimension, ce sont, bien sûr, les ressources naturelles qu’on pense pouvoir trouver dans cette région, qui sont convoitées par beaucoup d’acteurs, les cinq, mais aussi des puissances externes et bien sûr des entreprises. Mais à tout cela, s’ajoute aussi une dimension qui est externe, à la région elle-même, ce qui est la dimension géopolitique mondiale, disons, la… le retour de… de rivalité entre la Russie et l’Occident.
Journaliste : On va bien évidemment y revenir. André Gatollin, la première conséquence, elle est d’abord environnementale. Est-ce qu’on est conscients, est-ce qu’on a imaginé toutes les conséquences que pourraient avoir ce réchauffement et cette fonte des glaces ou pas encore ?
André Gatollin : Je pense qu’on est conscient d’une partie des choses qui vont se produire parce que les travaux du GIEC n’ont cessé d’apporter des éléments supplémentaires, mais on voit, d’un rapport de GIEC à l’autre de nouvelles découvertes…
Journaliste : Alors le GIEC, on peut rappeler en deux mots…
André Gatollin : Oui, c’est le regroupement des scientifiques internationaux qui travaillent sur le climat qui, très majoritairement, à 95% des scientifiques climatologues disent qu’il y a effectivement une perturbation, un dérèglement climatique qui se traduit par un réchauffement au niveau global de la planète. Il faut être là aussi très prudent, parce qu’on sait que ces changements-là, on parle de la fonte des glaces, mais la fonte des glaces elle-même a des effets sur les courants marins. Et aujourd’hui, on constate de plus en plus que le Gulf stream, perd d’intensité en arrivant, en remontant les côtes européennes et on pense qu’à l’horizon de quelques années, le Gulf stream risque de… de tourner au sein l’Océan atlantique assez tôt, c’est-à-dire, il ne viendra plus réchauffer ces parties qui sont la Grande-Bretagne, La Norvège, le Svalbard et les côtes du Groenland et de l’Islande.
Journaliste : Donc c’est très paradoxal, c’est-à-dire que le réchauffement climatique se traduirait par un rafraichissement des côtes ?
André Gatollin : Absolument, c’est-à-dire qu’il n’y a pas un effet uniforme du réchauffement climatique, d’ailleurs, heureusement qu’on a les océans parce que les océans captent une grande partie du réchauffement, mais on sait notamment dans les zones les plus glacées de la planète, c’est le cas de l’Arctique, de l’Antarctique, mais aussi, par exemple, du Plateau tibétain et de l’Himalaya que la vitesse,
dans tous les cas, le niveau du réchauffement au cours de ces dernières années est deux fois, deux fois et demie supérieur à celui de la moyenne de la planète. Donc, on sait qu’il y a des effets sur les zones froides, mais il y a aussi des effets sur nos océans, nos courants marins, qui sont… et nos courants aériens aussi avec le jet stream, qui sont les éléments régulateurs et qui fait que notamment l’Europe est une zone tempérée.