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CCI Paris Ile de France

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Publié le 27 février 2020

Former au français des dirigeants de PME dans le secteur du BTP au Maroc

formateur en français professionnel

Entretien avec Yassine El Hajoubi, lauréat 2019 du Diplôme de Didactique du Français sur Objectifs Spécifiques (DDIFOS).

Enseignant du Ministère de l’éducation nationale, Yassine travaille dans des lycées depuis 2009.

Depuis 2010, il assure en parallèle des cours de français langue étrangère (FLE) à l’Institut français du Maroc, à Marrakech. Son public est très large : des enfants, des adolescents, des étudiants, des adultes, des professionnels.

C’est à ces derniers qu’il a consacré son projet pédagogique « Former au français des dirigeants de PME du secteur du bâtiment dans la région de Marrakech-Safi ».

Quelle est la place du français professionnel au Maroc aujourd’hui ?

Avant de parler du français professionnel, il faut savoir que le français a un statut très particulier dans le pays : celui d’une langue étrangère dite « privilégiée ». Il ne s’agit pas de la langue officielle, c’est l’arabe, bien entendu, mais le français bénéficie d’un statut de fait, assurant à la fois la fonction « élitaire et utilitaire ».

Ainsi, dans les établissements d’enseignement supérieur, le français est souvent la langue de l’enseignement mais beaucoup plus rarement la langue enseignée.

Il existe des cours de « français de communication professionnelle » à destination des adultes. Peu nombreux, ces cours sont souvent assurés par des enseignants qui ne sont pas formés à la méthodologie du français sur objectif spécifique (FOS) et ne répondent que très peu à la demande.

Selon moi, le Maroc peut devenir le grand chantier du FOS et je serais ravi d’y apporter ma pierre.

Votre projet s’intéresse au secteur de la construction. Comment avez-vous choisi la thématique ?

Le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) a connu une grande évolution dans la région de Marrakech-Safi. C’est un secteur en pleine expansion avec des capacités importantes en termes de création d’emplois.

Afin d’être en adéquation avec cette forte demande, plusieurs filières de formation professionnelle ont été créées.  L’objectif est de former des jeunes qui seraient capables de s’intégrer dans ce marché en plein développement  et de plus en plus exigeant.

Toutefois, les besoins spécifiques de ces jeunes en français sont contrariés par l’absence de formateurs qualifiés dans le domaine du FOS que j’évoquais tout à l’heure.

Je n’ai pas eu accès à des statistiques très précises mais grâce à l’enquête que j’ai menée auprès des dirigeants des entreprises et l’entretien avec le président de la Confédération marocaine des dirigeants de petites et moyennes entreprises, j’ai pu confirmer mon intuition.

J’ai constaté un réel besoin de formation en français du bâtiment, une formation qui rendrait le quotidien de ces dirigeants plus facile et aurait à terme un impact sur l’image de leur entreprise.

Quelle suite souhaitez-vous pour votre projet ?

Le projet prend vie car la Confédération marocaine des dirigeants de TPE-PME souhaite former en français ses membres pour faire face aux exigences du marché du BTP dans la région qui a connu, par ailleurs, l’installation de plusieurs entreprises francophones.

L’Institut français à Marrakech va donc former un groupe composé de dix chefs d’entreprise dans le domaine du BTP. L’objectif : améliorer leurs compétences linguistiques en français de leur domaine d’activité et les rendre plus autonomes dans le traitement et la rédaction des documents de travail.

J’assure la mise en place de cette formation qui ne devrait plus tarder à démarrer. En termes d’organisation, ce n’était pas simple : nous avons dû adapter nos plannings car les horaires de travail des entrepreneurs sont irréguliers et ils se déplacent souvent ailleurs au Maroc et à l’international.

Dans cette belle aventure du DDIFOS, avez-vous un souvenir particulier, quelque chose qui vous a marqué ?

S’il fallait en choisir une, ce serait la collecte de données sur le terrain. Je ne suis pas un spécialiste du bâtiment et j’ai trouvé particulièrement intéressant et gratifiant de se faire accepter par le métier, d’avoir réussi à convaincre les chefs d’entreprises de l’intérêt de ce que je pouvais leur apporter.

Petit à petit, j’ai réussi à coopérer avec eux et ils ont fini, par exemple, par me donner un accès quasiment illimité aux documents authentiques dont j’avais besoin. J’ai découvert un monde, j’ai appris beaucoup de choses et aussi pu partager mon métier, mes connaissances.  

Avez-vous d’autres projets en tête ? Vous avez dit que le français professionnel pourrait être un grand chantier au Maroc, sera-t-il le vôtre ?

Mon projet et la réussite du DDIFOS ont suscité beaucoup d’intérêt parmi mes collègues. Je pense que certains sont motivés à s’engager dans la formation pour développer ensemble une offre de cours plus riche.

Ce serait super de construire une « équipe FOS » à l’Institut pour couvrir des secteurs différents et répondre à la demande. D’autres domaines m’intéressent : le tourisme, surtout dans notre région, le domaine juridique ou encore la santé. Ce parcours n’est qu’un début.

Un dernier mot : un conseil notamment pour vos collègues qui souhaitent vous emboîter le pas ?

Le maître mot pour réussir est l’organisation ! Il est primordial de s’imposer un rythme et de le tenir ; respecter les délais tout en conciliant sa vie personnelle et ses obligations professionnelles.

L’observation est très importante aussi, il faut être attentif et à l’affût car les besoins ne sont pas si évidents à identifier.

Enfin, je conseille vivement de travailler son réseau, multiplier les contacts, et ne pas hésiter à s’ouvrir à d’autres domaines : bâtiment, santé, justice, marketing, etc. avec ces échanges, on peut arriver à des projets fabuleux !

 

~ Propos recueillis par Elena Mansurova